J'entre mais ne vois rien de spécial. Je cherche et en relevant la tête, attirée par une lumière saccadée, je constate que quelqu'un lui a installé la télévision. Elle a dû vouloir l'éteindre et n'y est pas parvenue. L'écran est plein de « neige ».
Il y a une chaise en dessous de l'endroit où est posé le poste de télévision. Elle essaie de monter sur la chaise et se met en danger. Je la rassure alors, monte sur la chaise, éteins la télé et replace la chaise.
Elle s'apaise, entre dans son lit et s'assoupit.
Hier, c'était son anniversaire. Sa fille lui a fait ce cadeau. L'homme d'entretien lui a installé et expliqué le fonctionnement de la télécommande, m'explique ma collègue.
Mme M. n'a pas dû bien se rendre compte de cela et, à son réveil, « cet intrus » l'a perturbée.
Mme M. est âgée de 81 ans; elle vit dans l'établissement depuis quelques années.
Elle souffre de la maladie de Parkinson mais est restée encore autonome. Elle a une légère démence qui se fait sentir par la perte de mémoire et une désorientation.
Ce matin, en se réveillant, elle n'a pas dû se souvenir de son cadeau. La présence de la télévision l'a gênée et perturbée. Lorsqu'elle est inquiète ou a peur, Mme M. peut devenir agressive ou se mettre en danger.
Cela a été le cas ce matin. Elle a essayé de grimper sur la chaise pour éteindre le poste. Elle aurait pu tomber et se faire mal, se casser quelque chose. La veilleuse de nuit n'a pas dû remarquer la T.V.
Le son était bas et elle est restée allumée. Mme M. était perturbée par «cette machine» qui faisait intrusion dans son lieu de vie et déplaçait ses repères.
Personne ne m'a signalé ce nouvel événement. La T.V., du moins son usage, n'était pas aisé ni habituel pour Mme M.
Nous n'avons pas parlé de son installation. Sa fille s'est organisée avec l'homme d'entretien. Elle a voulu faire plaisir à sa mère, lui rendre plus animée et agréable sa chambre.
— Elle n'a pas prévu que cette «machine>' perturberait sa mère du fait de son fonctionnement trop moderne.
Elle ne pouvait pas savoir la réaction de sa mère. Si nous, le personnel soignant, avions été mises au courant, nous aurions préparé Mme M. à l'arrivée de son nouveau cadeau.
A cause des troubles de mémoire et des autres traits de sa pathologie, la «machine'> a été mal acceptée par Mme M. car pas comprise. Elle l'a effrayée et a provoqué chez elle une situation de stress.
Il est vrai que nous ne pouvons pas penser aux multiples sources d'angoisse qui existent chez les personnes atteintes de démences (même légères). Sa fille ne réalise pas bien
— tout cela. Pour mieux protéger la personne âgée, nous devrions essayer de mieux intégrer la famille à notre « comportement de soins et de bienveillance ». Nous devrions aussi mieux nous informer les uns les autres des changements même matériels, ainsi les buts visés par chacun seraient mieux atteints.
J'ai parlé de tout cela avec mes collègues de l'étage et à l'infirmière. Il sera intéressant qu'avant d'introduire des éléments nouveaux dans l'espace des personnes, nous vérifions que la personne est prête et qu'elle a compris ce dont on lui parle.
Lorsque la fille de Mme M. reviendra, nous lui demanderons si elle veut bien expliquer à sa mère l'usage de la télécommande.
Dianne Frémont
Étudiante IRTS