le manuel du gériatre,Formation médecin coordonnateur d'EHPAD

 

P a r t i c u l a r i t é s  d i a g n o s t i q u e s  e n  g é r i a t r i e

 

La gériatrie est une discipline médicale souvent difficile, pleine de pièges. Si les examens complémentaires permettent d’en éviter quelques-uns, la ré?exion diagnostique fondée sur l’interrogatoire et l’examen clinique reste la clé d’un diagnostic correct.
L'Interrogatoire

Il est la première source de difficultés. Avec l’âge, le passé médical peut être important et le reconstituer prend du temps.
D’autant que, pour les maladies les plus anciennes, on est confronté à une terminologie, à des examens complémentaires, à des traitements, complètement différents de ceux de l’exercice médical actuel. Connaître l’histoire de la médecine peut s’avérer « payant » : « la tache aux poumons », le « H rouge sur la pancarte », le « pneumo pendant 2 ans » et les perfusions de « PAS », qui sait actuellement que, en 1940, cela voulait dire tuberculose pulmonaire avec positivité de la recherche du bacille de Koch sur l’expectoration après homogénéisation, traitée par pneumothorax et perfusion du seul antibiotique antituberculeux de l’époque, l’acide para-aminosalicylique ?
La durée de l’interrogatoire (comme celle de l’examen clinique) peut fatiguer le patient, ce qui peut entraîner des réponses imprécises. Une surdité peut entraîner une incompréhension … surtout si elle n’est pas identi?ée.
Les troubles de mémoire portant sur les faits récents sont fréquents, même en l’absence de maladie d’Alzheimer avérée, et ils vont rendre aléatoires les détails concernant le début de l’épisode actuel, les traitements en cours, les examens déjà faits. Le patient n’est pas toujours accompagné d’un proche. La difficulté est souvent maximale dans le cadre de l’urgence.

Examen clinique

Il est lui aussi à risques d’erreurs. Certains signes observés peuvent être récents ou bien là depuis longtemps, séquelle d’une pathologie parfois très ancienne sans aucun rapport avec l’épisode  actuel. Un vieillard confus, avec un signe de Babinski unilatéral, ne va peut-être pas être exploré de la même manière si l’on sait que ce signe est là depuis 10 ans, seule séquelle d’un traumatisme crânien de l’époque. Certaines données sont parfois prises en compte par excès : tous les souffles systoliques, éjectionnels, irradiant dans les carotides, ne sont pas synonymes de rétrécissement aortique, mais le plus souvent plus banalement des souffles athéromateux n’entraînant aucune gêne à l’éjection. D’autres le seraient par défaut : la peau du vieillard se prête mal à la recherche d’un pli cutané ! Quand il existe, la déshydratation est déjà très importante. La polypathologie (même si toutes les maladies n’évoluent pas en même temps) étant souvent la règle en gériatrie, on comprend que l’éventail diagnostique devant un symptôme récent est très large : si un patient âgé a trois maladies A, B, C, traitées par trois médicaments a, b, c, et si survient un symptôme X, celui-ci, dans le pire des cas, peut être en rapport avec l’évolutivité de A, B ou C, une iatropathologie due à a, b ou c, ou l’expression d’une quatrième maladie D

Examens complémentaires


On ne peut les énumérer tous, mais ils sont souvent source de difficultés.
Quelques exemples.
Sur l’électrocardiogramme, un axe de QRS à + 90° est normal à 20 ans. Avec l’âge, l’axe a tendance à tourner vers la gauche en dehors de toute pathologie cardiaque. Dès lors, un axe à + 90° à 90 ans est évocateur de surcharge des cavités droites.
La clairance de la créatinine baisse alors que la créatinine plasmatique n’augmente pas forcément avec l’âge. Cette baisse de la clairance est pourtant un élément capital pour le maniement de certains médicaments. En fait, les facteurs d’augmentation de la créatininémie peuvent être contrebalancés par la baisse de synthèse de la créatinine (notamment par réduction de la masse musculaire). Parfois, c’est le médecin qui croit, à tort, qu’avec l’âge le seuil de dé?nition de l’anémie (< 12 g Hb/dl) baisse régulièrement alors qu’il n’en est rien.
Ailleurs, c’est l’extrême fréquence de certaines anomalies qui peut vicier le raisonnement diagnostique : 20 % environ des clichés d’abdomen sans préparation chez les femmes âgées révèlent une lithiase vésiculaire radio-opaque. Si les accidents de la lithiase biliaire sont fréquents chez les vieillards, constater une telle anomalie radiologique devant une douleur abdominale ne permet pas de conclure que le patient souffre de sa lithiase ! On pourrait appliquer le même raisonnement à des signes cliniques : après un malaise, constater une hypotension au passage à l’orthostatisme ne permet pas d’affirmer que le malaise lui était lié (sauf si le lever reproduit le malaise et permet de constater la chute tensionnelle). L’hypotension orthostatique est très fréquente en gériatrie ! Mais elle est aussi souvent non recherchée

LE MANUEL DU GÈRIATRE

 

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