Autant de résidants, autant de familles, autant d’histoires de vie qui impliquent autant d’accompagnements..
Accompagner, c’est marcher â coté de celui qui va mourir en respectant son rythme et le chemin qu’il souhaite emprunter... Cet accompagnement va se construire sur une triangulation personne âgée, famille, équipe soignante.
La famille (et bien sûr les proches) a besoin de se sentir accueillie pour pouvoir accéder plus facilement à son parent. Le chagrin ressenti, l’angoisse, la difficulté de la séparation bouleversent etiou déstabilisent déjà suffisamment les proches. Ces difficultés doivent au maximum être « adoucies » par l’attitude d’accueil de l’équipe sinon elles seront au contraire renforcées !
En premier, il est intéressant de recueillir un maximum d’informations pour connaître qui est qui autour du patient. Constituer un génogramme est une bonne initiative qui permet d’avoir d’emblée une vue d’ensemble (intégrer les proches autres que la famille).
Une règle prévaut : la famille fait ce qu’elle peut dans cette situation bouleversante. Aussi, devons-nous lutter contre les jugements de valeur qui s’expriment ça et là, au sein des équipes. « On ne les voit jamais » et si c’était trop difficile de voir mourir celui qu’on aime ? « Ils ne s’approchent pas de lui », comment toucher son proche, si l’éducation l’a interdit depuis l’enfance ? Qu’on-t-ils vécu, partagé avant ce jour ? On ne sait pas sur quelle histoire on « arrive », Il faut donc toujours commencer par respecter ce qu’on observe comme lien et intervenir avec tact et délicatesse.
Nous ne sommes là que pour être les supports d’une communication, d’une relation encore et toujours possible. Et c’est notre disponibilité, notre attention douce au patient et aux membres de son entourage qui tissera un lien de respect mutuel et de confiance. Et qui créera peut-être une ouverture dans la relation entre le patient et ses proches.
Les réactions de la famille et du patient dépendront de différents facteurs
- La personnalité de chacun des membres
- Le mode relationnel du groupe familial
- Le vécu antérieur des différents membres
- Les moyens de communications dont ils sont capables
- La capacité de l’ équipe à accueillir, accompagner respectueusement la dyade « famille/patient »
LES DIFFERENTES PEURS QUE RENCONTRENT LES FAMILLES
- Peur de la douleur : elle est quasi constante
- Peur de voir souffrir
- Peur de la déchéance
- Peur des différents symptômes de la maladie (dyspnée, vomissements, agitation... )
- Peur du déroulement des événements (Souffrira-t-il ? C’est pour combien de temps ? Est-ce qu’il nous entend ?)
- Peur de la mort et de l’après
LE RAPPORT DE LA FAMILLE AVEC L’EQUIPE
Le rapport à l’équipe n’est pas toujours très facile.
La proximité des soignants peut être vécue comme intrusive et séparatrice. Elle peut déclencher de la colère, de l’envie, l’impression qu’on lui « vole » l’affection du parent, que l’on comprend mieux ce qui lui arrive. D’où l’importance de respecter et de préserver l’intimité du lien. Frapper et attendre avant d’entrer, rassurer le proche sur le fait que l’on ne remplace pas la famille, le réconforter sur l’importance de sa présence, savoir rester discret tout en se montrant disponible. L’important est de réussir à faire émerger l’idée de coopération, de complémentarité, de respect mutuel de la place de chacun autour du malade.
Sentir que le soignant investi le malade peut être au contraire, dans ces conditions, source de réconfort et de gratitude. Il faut donc réussir à trouver ie bon « aménagement ».
LES AIDES POUR AFFRONTER CE TRAVAIL DIFFICILE
- Apprendre à se connaître, identifier ses zones de fragilité, ses Iimites. Apprivoiser progressivement ses peurs. Trouver la bonne distance : ne pas se « blinder », apprendre à être touché humainement sans que ça entraîne d’effondrements psychologiques. Sentir lorsqu’on est moins en forme. Respecter cela en n’outrepassant pas ses limites.
- S’appuyer sur les collègues. Echanger, parler de ce que l’on éprouve, apprendre à écouter l’autre. Pouvoir décharger ses tensions, dire sa peine, ses découragements, ses difficultés dans le respect les uns des autres. Instaurer la solidarité et la confiance comme valeurs soutenantes dans le service. Savoir déléguer ou prendre le relais selon les situations.
- Travailler en équipe. Exposer la situation, ce que dit le patient de son état. Ce qu’on comprend de là où il en est. Exposer la position de la famille. Réfléchir ensemble à l’action à mener, à l’attitude à avoir auprès du patient et auprès de la famille. Trouver un consensus sur la prise en charge et les protocoles à suivre pour offrir une continuité de soins au patient.
- Dire au revoir au mort, faire la toilette mortuaire si c’est possible et si c’est un choix, rester un moment en sa présence, assister à la mise en bière, aller à la messe, à l’enterrement... Chacun devrait à sa façon, selon ses convictions et selon ses désirs, pouvoir dire adieu. Certains choisiront de ne pas voir le mort, cela doit être respecté, rien ne doit être forcé dans ce domaine.
- Instaurer des rituels (Ils facilitent l’assimilation de la mort et permettent d’enclencher un travail de deuil). Trouver des actions symboliques aidant à accepter la perte, des façon pour vivre « l’au revoir » à la personne investie, pour formuler au moins dans sa tête ce que l’on adresse encore en pensée à cette personne (allumer une petite bougie, adresser une prière, écrire quelques mots, réserver un cahier dans la salle de repos où tous les soignants peuvent inscrire une petite pensée aux personnes décédées, prendre le temps de repenser à ce qu’on a vécu avec cette personne, aux conseils de vie qu’elle nous a peut-être donné ... ).
- Avoir un lieu qui fonctionne comme un « sas » de sécurité, de protection, de réconfort où l’on puisse venir se réfugier et se ressourcer en cas de besoin (avoir à disposition tout ze qui peut faire du bien: musiques, lumière douce, plantes, images, « gri-gri» à valeur de soutien, photos, objets rassurants, petits mots d’encouragement, cartes postales de remerciements des familles, citations, huile essentielle pour se déstresser, boissons chaudes, douceurs...). Faire entendre et reconnaître l’utilité de ce lieu: la récupération permettant ensuite de se rendre à nouveau disponible intérieurement et d’étre plus efficace pour la suite
- Savoir faire du bien à ce corps qui amortit tout. Prendre le temps de bien respirer à fond avec le ventre dès que le stress ou l’émotion devient trop forte pour rétablir le calme intérieur (cinq respirations profondes ne prennent pas plus de deux minutes et peuvent même être pratiquées pendant un acte qui demande peu de concentration et le résultat est d’emblée observable). Se défouler quelques secondes à l’abri des regards (évacuation de la tension et/ou de la colère par des grimaces, mouvements des bras énergiques...) aide à ne pas garder en soi les charges émotionnelles négatives. Pratiquer des sports â l’extérieur du travail pour évacuer la souffrance morale et récupérer son énergie. Apprendre à se relaxer.
QUELQUES RÉPONSES POSSIBLES ..... aux questions et demandes du résident
Je n’en ai plus pour très longtemps :
- vous voulez dire que vous vous sentez vraiment très mal ?
- vous regrettez ce temps qui passe ?
On nous traite comme des chiens :
- vous voulez dire que nous nous occupons pas correctement de vous, vous ne vous sentez pas correctement accompagné ?
Vous verrez quand vous serez à ma place :
- vous voulez dire que nous ne nous comprenons pas
- parce que je ne suis pas à votre place, je ne peux rien faire pour vous aider ?
- votre place est très difficile ?
Donnez-moi quelque chose pour mourir :
- ce que vous vivez devient vraiment très difficile? ?
- vous voudriez être mieux soulagé ?
- vous souhaitez que l’on parle des difficultés que vous ressentez ?
Vous n’avez rien d’autre à faire que de me regarder mourir :
- je n’arrive pas à vous apporter le réconfort que vous souhaiteriez ?
- voulez-vous m’aider en me disant ce que je pourrai faire pour vous ?
- vous souhaitez être un moment seul ?