Les fondements de la relation soignant-soigné ?
La relation soignant-soigné est au cœur du processus de soin. Elle implique deux personnes dont l’une apporte une aide professionnelle à l’autre, dans un cadre thérapeutique. Cette interaction doit tenir compte des émotions, des cultures, des représentations et de la singularité de chaque individu.
I. Éléments de définition ?
« La relation est un processus circulaire où chacun interagit avec l'autre », selon Jacques Chalifour. En d’autres termes :
- Dans le soin relationnel, la relation fait partie intégrante du soin.
- Elle repose sur la permanence des interactions entre le soignant et le patient, chacun apportant ses émotions, sa personnalité, son histoire.
- Les déterminants psycho-sociaux (âge, sexe, représentation, culture, religion, émotions...) et physiques (handicap, maladie) doivent être pris en compte.
Même si tout acte déterminé par le milieu hospitalier crée de fait une « relation soignant-soigné », la qualité de cette relation dépend de comment elle se construit et se vit. Elle se veut avant tout individualisée et « personnalisante » pour le patient.
II. Les différentes étapes de la relation ?
Selon Louis Malabeuf, la relation évolue en quatre niveaux :
- La relation de civilité : superficielles, quelques banalités échangées, on évite le cœur du sujet.
- La relation fonctionnelle : le soignant mène son enquête pour recueillir les informations essentielles (pathologie, habitudes de vie…).
- La relation de compréhension et de soutien : le soignant entame un début d’empathie pour rassurer et accompagner le patient, signant le désir « d’entendre » réellement ses besoins.
- La relation d’aide thérapeutique : décrite par Carl Rogers comme une relation « permissive et structurée », visant à soutenir la personne pour qu’elle comprenne mieux sa situation et puisse progresser.
Dans cette relation centrée sur la personne plutôt que sur la maladie, le soignant adopte une posture d’empathie (écoute active, congruence, non-jugement) pour aider la personne à contourner ses difficultés et à grandir intérieurement.
III. La proxémie dans les soins ↔️
La proxémie, décrite par Edward T. Hall, concerne la distance physique que nous établissons instinctivement avec autrui. On parle souvent de « bulle spatiale ».
- Distance intime (0-45 cm) : réservée aux proches ou aux relations affectives fortes.
- Distance personnelle (45-125 cm) : convient aux relations amicales ou professionnelles.
- Distance sociale (125-360 cm) : pas de contact physique, adaptée aux simples connaissances.
- Distance publique (au-delà de 360 cm) : pour les discours, les cours en amphithéâtre, etc.
Ces distances varient selon l’éducation, la culture et le contexte. En soins, il est crucial de respecter l’espace ressenti par le patient comme « intime », sous peine de provoquer inconfort ou agressivité.
IV. La distance thérapeutique ?
Éléments de définition
La distance thérapeutique consiste pour le soignant à maintenir une juste proximité (ni trop éloigné, ni trop fusionnel) avec son patient.
- Cette relation s’inscrit hors de toute sphère amicale ou sentimentale : le cadre hospitalier doit rester préservé pour un accompagnement professionnel.
- Le soignant demeure garant de ce cadre, afin de répondre aux besoins d’aide du patient sans se laisser submerger par ses propres émotions.
Le transfert et le contre-transfert
Le transfert est la projection inconsciente d’une émotion ou d’un sentiment d’une personne (le patient) sur une autre (le soignant). Lorsqu’il favorise l’adhésion aux soins, on parle de transfert « positif ».
Le contre-transfert est la réponse inconsciente du soignant à ce transfert. Des sentiments négatifs (agacement, rejet) peuvent nuire à la relation si le soignant ne les identifie pas.
Être submergé par l’émotion du patient (ou « faire sienne » sa détresse) rompt la distance thérapeutique et risque de transformer l’empathie en fusion ou en évitement. Les espaces d’analyse de pratique aident à reconnaître ce phénomène et à le maîtriser.
V. L’alliance thérapeutique ??
A. Éléments de définition
L’alliance thérapeutique est un acte d’union, un « contrat » moral ou formel où le patient et le soignant s’engagent ensemble dans le but de lutter contre la maladie ou la souffrance. Elle se fonde sur :
- Une compréhension empathique pour favoriser l’engagement mutuel.
- La reconnaissance réciproque (le patient se sent accepté, le soignant est reconnu compétent).
- Des objectifs communs quant au but du soin, ainsi qu’un cadre de fonctionnement clairement établi.
B. Besoins, désirs, attentes
Abraham Maslow a hiérarchisé les besoins humains (physiologiques, sécurité, appartenance, estime, accomplissement). Virginie Henderson en fait le socle de la conception des soins.
Dans le contexte de soins :
- Le besoin : tension interne (manque) à satisfaire (manger lorsqu’on a faim).
- Le désir : expression émotionnelle du besoin, souvent plus inconsciente.
- L’attente : l’action ou la posture pour combler ce besoin, lorsqu’elle est clairement identifiée.
Mieux connaître ces dimensions aide le soignant à offrir un accompagnement personnalisé et à renforcer la confiance du patient, qui se sent écouté dans sa globalité.
C. La demande de soin
Selon Jacques Lacan, la demande est située entre le besoin et le désir. En milieu hospitalier, la demande d’un patient peut être explicite ou implicite :
- Explicite : claire et précise (un patient qui réclame un antidouleur).
- Implicite : sous-entendue par une gestuelle, un regard, une souffrance non verbalisée.
L’urgence vitale ou l’altération de l’état de conscience du patient peut rendre difficile l’expression de la demande. Dès que possible, il faut chercher à clarifier ses besoins, éventuellement en s’appuyant sur la famille ou la personne de confiance.
D. La relation de confiance
La confiance est « une croyance en la valeur morale, affective, professionnelle d’une autre personne ». Elle se construit sur la reconnaissance mutuelle de l’expertise (le soignant) et de la capacité à décider (le patient). Cette relation se nourrit d’engagement personnel et se concrétise au fil des actes de soin.
E. Le consentement éclairé et l’information du patient
Le principe d’honnêteté exige que le patient reçoive toute l’information nécessaire pour consentir librement à ses soins. La loi du 4 mars 2002 sur les droits du patient rappelle ce devoir d’informer, sauf exceptions (urgence, impossibilité, refus de connaître le diagnostic).
La charte du patient hospitalisé souligne également que l’information doit être « accessible et loyale ». Un consentement est libre et éclairé si le patient a reçu une information claire sur les bénéfices et les risques potentiels du traitement.
F. Le refus de soins
Le patient peut refuser un soin (loi du 4 mars 2002). Le soignant doit respecter cette décision après avoir expliqué les conséquences du refus. Bien sûr, cela peut confronter deux logiques :
- Le principe d’autonomie du patient.
- L’obligation de soins du personnel soignant.
Un dialogue adapté est donc essentiel pour continuer à accompagner la personne, tout en respectant sa liberté de choix.
G. La négociation des soins
Face à un refus, la solution réside souvent dans la négociation. Il s’agit de clarifier avec le patient son refus, de répondre à ses interrogations, d’exposer clairement les bénéfices attendus, et de trouver une option acceptable pour lui. Les soins peuvent être réévalués et négociés au fil du temps, au fur et à mesure des évolutions de l’état de santé.
Conclusion ?
La relation soignant-soigné est un processus complexe : au-delà des connaissances cliniques, elle requiert une forte aptitude à l’empathie, la communication, et le respect de la singularité de chaque patient. Qu’il s’agisse de distance thérapeutique, de transfert ou d’alliance, toutes ces notions visent un même objectif : promouvoir le mieux-être et l’autonomie du patient dans un cadre professionnel, humain et bienveillant.