opération Lettre à......2007

les plus belles lettres de personnes âgées primées par l'opération " lettre...à "

Opération

"Lettre à…" 2007

Lettre à…, opération initiée par la Fondation Nationale de Gérontologie, est de faciliter la liberté d’expression des personnes âgées en leur proposant d'écrire une lettre sur un sujet qui leur tient à coeur

l'opération Lettre à… propose aux personnes âgées d'écrire une lettre sur un ou des sujets qui leur sont chers. Les destinataires de ces lettres, individuelles ou collectives, peuvent être

un membre de leur famille, des amis, mais aussi d'autres personnes de la société civile, médecins, directeurs d'établissement, personnes politiques, journalistes, commerçants, écoliers, etc.

 


 

Prix « Coup de cœur » Raymonde, 86 ans, Directrice d'école (17) 

Mes p'tits bonheurs, mes petits plaisirs au Rayon d'Or et la cigarette !!! 

Presqu'un an déjà que je suis là ! Mes premières impressions :

être enfermée, être dépendante d'autrui, rangée dans ma petite boite.

 Je ne marche pas (ou si peu) Je ne vois pas (ou si peu) Mais… je fume !!! Je sais que ce n'est pas bien, mais c'est un des rares plaisirs qui me restent.

 Dès que j'ai une visite, je vais fumer ma cigarette sous les parasols jaunes à presque tous les temps, c'est devenu mon petit coin favori : 

- le parasol qui sert de parapluie quelquefois - la haie qui abrite du vent - le jardin du voisin (on surveille la pousse des tomates, pommes de terre et cornichons) - le chant des oiseaux - la visite du chat Halloween

 Et puis je me suis enhardie à fumer ma cigarette du matin après le café, toute seule, sur ma chaise sur le balcon : mon premier petit bonheur du jour. 

Evidemment, ce n'est pas passé inaperçu ! Un jour une équipe sympathique est venue me chercher, alors qu'ils mangeaient dehors sous le kiosque.

En fumant ma cigarette, j'ai profité de leur présence et de leur joie de vivre. Gros bonheur du jour !

Je me souviens du matin de mon anniversaire, quand j'ai ouvert les yeux toute une équipe autour de mon lit avec un plateau fleuri, des cadeaux.

C'était chaleureux, j'étais chez moi et en cadeau : un petit cendrier !!! Raymonde 

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE LETTRES PRIMÉES 2007)

Prix « Réflexion/Transmission », ex æquo : Femme, 69 ans (75) 

Voici venu le temps du renoncement et des pertes ! Une certaine « jeunesse » s'accroche encore à l'esprit tandis que la vieillesse gagne progressivement le corps.

Le corps se dégrade, il est usé, douloureux ; l'aspect change.

On ne se reconnaît presque plus dans un miroir, surtout au réveil. 

Et même si on se sent toujours jeunes, les autres vous regardent comme des vieux,

Imperceptiblement, mais sûrement, vous avez basculé dans le 3ème âge de la vie, sans même vous en rendre compte parfois, tant les activités ont rempli votre temps.

 Vous pouvez encore faire des découvertes, apprendre des choses, avoir des surprises, faire des rencontres, mais n'oubliez pas que si vous voyez les choses et les gens avec un regard toujours neuf et avide de connaissances, la réciproque ne va pas de soi.

Tel beau jeune homme que vous rencontrez au détours de votre vie qui sera séduit par votre esprit, votre écoute, vous séduira quant à lui par sa beauté, sa jeunesse, son charme.

Vous ne pourrez que le dévorer des yeux.

Votre statut de personne âgée vous interdit de le toucher autrement qu'avec des mots.

Pourtant, le désir de l'autre est toujours là, mais il fait à présent partie des choses qu'il faut taire, au risque de passer pour une vieille dame indigne ! Le renoncement à la sexualité, et dans une moindre mesure, aux jeux de la séduction qui l'accompagnent, fait partie des pertes essentielles dans nos vies.

Le corps s'apaise,

Dieu merci, mais le regret, la nostalgie demeurent de ces moments d'intimes fusions ou « le corps exulte », comme le disait si justement Brel. Heureusement, il nous reste nos souvenirs, et puis, même sans cela, la vie continue ! 

Je suis heureuse que l'occasion me soit donnée de m'exprimer librement et anonymement sur ce sujet. On dirait bien qu'il s'agit d'un tabou, personne n'en parle !

Est-ce un sujet honteux qu'il est de bon ton de taire à partir d'un certain âge ? A quel âge ne doit-on plus ressentir d'émotions « amoureuses » ?

Voici encore un domaine d'exclusion (un de plus) des vieux que nous sommes. 'arrête de me plaindre, car finalement, je trouve que la vie est drôlement belle, même avec 70 printemps derrière soi. 

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE LETTRES PRIMÉES 2007)

 

Prix « Réflexion/Transmission », ex æquo : Antoinette, 91 ans, Brocheuse P2 (33) 

Témoignage sur l'euthanasie 
Je viens par la présente témoigner mon indignation pour le procès des deux infirmières de Périgueux. 

Savez-vous ce qu'est la souffrance ?Tous les jours, nos médecins, nos infirmières savent ce que c'est et ne méritent pas un verdict de 30 années de leur vie.

A mon avis, c'est la légion d'honneur que l'on devrait leur décerner et non à certains chanteurs n'ayant que le mérite de leur voix. 

J'ai fait don de mon corps à la science il y a 30 ans, à Paris, dans le Service du Professeur Delmas.

Depuis 7 ans, je suis dans une maison de retraite. 

A 91 ans et n'ayant plus grand chose à attendre de la vie, pour moi, l'euthanasie est une délivrance. Ne plus voir, ne plus entendre, ne plus pouvoir manger, assise sur un fauteuil en attendant le bon vouloir d'une main tendue, voilà la vie de la vieillesse. Jeunes, votez pour une nouvelle réforme de l'euthanasie : le monde est en marche.

 Bon courage à nos médecins et infirmières.

 PS : 15 mars 2007 Le verdict est tombé : quel soulagement et que d'émotions ! Un peu de justice vient de naître, merci : -

l'infirmière est acquittée - le médecin : 1 an de prison avec sursis Antoinette  

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

LETTRES PRIMÉES 2007) 

 

Prix « Témoignage de reconnaissance et d'affection » Cécile, 66 ans, Professeur des facultés de droit en coopération (75) 

A mon petit bonhomme ou à ma poupée

 A toi que je ne connais pas encore, à toi que tes parents, ma fille et son mari ou mon beau-fils ou plus simplement mon fils ont décidé de donner la vie, de donner le jour, sois le (la) bienvenu(e) dans ce monde que tout un chacun qualifie de si difficile. Mais… Tu n'as rien demandé, tu n'as rien souhaité, tout au moins dans les connaissances actuelles mais, après 15 ans de vie commune, tu annonces ta venue pour consolider leur amour, pour prouver que le métissage est une mondialisation du coeur ou des coeurs, que tu es le fruit de l'union des peuples, des races. 

Tes grands-parents paternels sont Polonais, tes grands-parents maternels sont Béninois et Français. Tu portes en toi, petit être, deux continents et plusieurs cultures.

Tu as ta place sur notre planète car tu es le reflet de l'évolution de l'humanité. 

Quelle sera ta couleur ? ¼ de noir ou la moitié ou plus encore parce que les lois de la génétique en auront décidé ainsi ? Peu importe. 

Tu es la preuve que la vie est une merveille, qu'elle triomphe des difficultés et surtout du racisme.

 Sois fier mon petit bout de chou de tes origines.

L'amour n'est pas tabou ; c'est un flambeau et tu en es la flamme. 

Tes parents t'attendent comme tu ne peux pas savoir et ta mamy aussi.  

Mais, mon petit bonhomme, ma poupée, je souhaite par dessus tout que tes parents te conduisent à être un homme, une femme de demain empreint(e) d'humanisme et de sens des responsabilités pour un meilleur devenir de l'être humain et de sa planète : notre bonne vieille terre, merveille de l'univers. 

C'est sans doute un peu académique mais sache mon petit bonhomme, ma poupée que c'est une mamy pleine d'amour à donner qui t'attend. 

A bientôt.  Mamy 

 (source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE LETTRES PRIMÉES 2007)

 

Prix « Confidence » Femme, 90 ans (05) 

Lettre aux amnésiques et aux déficients de la mémoire 

Tout d'abord, j'aimerais dire que je suis réservée, par nature et aussi par l'éducation que j'ai reçue et que je n'aime pas les personnes bavardes.

Etant originaire d'une région de montagne, le Champsaur, je n'aime pas parler de moi.

Dans cette région, on dit « en bouche close, la bise n'entre pas ». Je parle aisément quand il s'agit de ma profession mais ne veux importuner personne avec ma vie privée que j'estime sans grand intérêt.

Du reste l'éducation sévère que j'ai reçue me fait dire qu'étaler sa vie serait presque un acte grossier. J'aimerais rassurer ceux qui perdent la mémoire et leur dire à quel point je joue parfois de cet état et comment je peux y trouver des avantages…

Je souffre de troubles mnésiques qui occasionnent des pertes de repères dans l'espace et le temps, je me demande parfois ce que je fais là et où je suis mais je sais que ce que j'ai effacé de ma mémoire est ce que j'avais déjà éliminé auparavant car sans intérêt.

Je ne m'encombre pas la mémoire de données dont je n'ai pas besoin et j'ai toujours pratiqué la technique de la mémoire sélective (les carriéristes savent du reste tout de suite ceux qui pourront leur apporter quelque chose).

 Je joue de mes « problèmes » liés à la mémoire et j'essaie de m'en faire un allié.

C'est une stratégie, une technique d'évitement que je me plais à appliquer pour éloigner les importuns. Les pertes de mémoire peuvent être feintes pour m'éviter les personnes peu sympathiques ou guère intéressantes, ça me permet de faire le tri…

Etre reconnue déficient de la mémoire peut permettre d'esquiver les questions auxquelles on ne veut pas répondre.

 Il ne faudrait tout de même pas idéaliser ces troubles mnésiques car ils peuvent engendrer une grande souffrance.

Quel désarroi de ne pas reconnaître une personne de la plus haute importance que l'on m'a présentée plusieurs fois (me dit-on !). J'ai toujours peur de faire une « gaffe », de blesser mon interlocuteur (heureusement de façon non intentionnelle).

 Quel fléau ces prénoms mixtes, ces « Claude, Pascale, Dominique » dont on me parle et que je ne sais conjuguer ni au masculin, ni au féminin…

Je suis souvent sur la défensive, je fais semblant, par courtoisie, de me souvenir par des phrases anodines, des mots « passe partout » (faire semblant est une défense).

Du reste, je n'avoue que rarement ne plus me souvenir, je suis « la reine des faux jetons »…

C'est l'éducation qui vous apprend à être bien élevée…

Cette perte de contrôle, cette sensation de ne plus être maître de ces faits et gestes me plongent parfois dans un profond désarroi…

Je jongle avec ces troubles de la mémoire qui ne sont pas perceptibles par mon entourage mais qui le sont, en revanche, pour mes intimes. 

Pour finir sur une note positive, sous couvert de souffrir de troubles de la mémoire, je me mets entre parenthèses et c'est très précieux pour la personne réservée que je suis !

 

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

LETTRES PRIMÉES 2007)

 

Prix « Ecriture » Lucien, 83 ans, Officier de l'Armée de l'air (17)

  Fadette, histoire d'amour Te souvient-il, ma Fadette, des beaux dimanches de nos vingt ans ?

Quand tu me faisais entrer dans ce que tu appelais ton jardin des oliviers ; quand ton ardeur te poussait au sommet du rocher le plus haut et que le mistral plaquait sur ton ventre les plis de ta robe blanche, je te voyais diaphane, lointaine, inaccessible.

Je t'aimais.

 Dans nos merveilleux lendemains, blottis dans notre coin secret, notre paradis, notre île déserte, centre du monde, ou nous avons bâti tant d'amour, tant de bonheur, tant de châteaux en Espagne. Je t'aimais ma Fadette, je t'aimais au soleil, je t'aimais sous la pluie, dans la neige et peut-être jusqu'en enfer. Je ne sais pas si toutes les batailles que j'ai menées l'ont été pour des causes justes, mais ce que je sais, c'est que j'ai voulu toutes les gagner pour l'amour de toi.

 Quand je prendrai ta petite main et que je t'amènerai dans les jardins de l'Eden, là où les fleurs ne se fanent jamais, je t'aimerai encore ; nous nous allongerons côte à côte dans le jardin, je garderai ta main.

Je laisserai, alors, la plénitude de nos merveilleux silences parce que je voudrais redire pour toi, ce que, dans ma vie, j'ai rencontré de plus beau. Le duvet de ton ventre, la musique de Mozart, le regard de notre chien ; cet oasis inoubliable de l'amour sans limites et sans conditions. J'ajouterai les éclats de rire des petites filles dans la cour de l'école. Et la lumière de tes yeux quand tu parlais de bébés ou que tu voulais voir la mer.

 Et puis passera le temps, s'écouleront les jours… s'effacera le sable où je bénissais l'empreinte de tes pas. 

Viendront les cheveux blancs que nous découvrirons stupéfaits et qui amèneront ce voile de tristesse qui passera désormais dans nos regards, quand nos étreintes seront souvenirs, que restera-t-il ? Que ferai-je encore pour toi ? T'aimer ; poser mon front entre tes petits seins si jolis… surtout ne rien dire, et alors, doucement, très lentement, comme un écho lointain derrière la montagne, écouter mourir notre amour de rêve… sans qu'il se brise… et se taire. 

Car tout le reste ne sera que silence. Lucien

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

LETTRES PRIMÉES 2007)


 

Prix « Spécial », ex æquo : Jacqueline, 91 ans, Sans profession (78) 

Ma chère Nathalie Un petit mot pour te dire que tout va bien sauf que je suis comme un ours en cage.

Il suffit que je sois à l'entrée pour me rentrer manu militari. A part ça, c'est presque le Paradis pour les femmes paresseuses. Grâce à toi, tu me sors de la prison, j'ai droit à un peu de liberté. 

J'ai trouvé quelques amies. Nourrie et logée, je me laisse vivre. Je vais rentrer sous peu en bonne forme j'espère.

 A bientôt tout de même. Je t'embrasse. Maman 

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

LETTRES PRIMÉES 2007)

 

 

 

 

Prix « Spécial », ex æquo : Muguette, 81 ans, Employée de bureau (92) 

Je ne sais plus quoi dire.

Ce que je voudrais, c'est repartir à Courbevoie.

Ce n'est pas que c'est mal ici, les gens sont sympas avec moi, oui, c'est vrai, il sont gentils, même ici, la preuve puisque j'y suis.

Je voudrais retourner chez mes parents.

Y en a qui veulent être tout seul, moi je préfère être avec eux. Maman n'est plus solide.

Mon père a déjà assez de travail à faire, moi, je peux en faire un peu mais pas tout. 

Ce qui serait mieux, c'est qu'on parte en province, mais ça, je ne sais pas si ça se fera. Ben, je sais plus quoi dire.

Je voudrais être à Courbevoie, avec mes parents, c'est ça que j'attends, le reste, je fais ce que je peux. Muguette

 

(source FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE

LETTRES PRIMÉES 2007)

Stèphane Joumey

Rédacteur soignantenehpad.fr

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Commentaires

  • kacidelfra

    1 kacidelfra Le 08/02/2021

    Bonjour,
    j'espère que vous allez bien et que vous vous portez bien je vous souhaite une belle journée et bon appétit :)

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