Le drame qui s’est produit hier à Chelles n’étonne pas le chercheur en gérontologie Jérôme Pellissier, auteur de « La nuit tous les vieux sont gris : la Société contre la vieillesse ».
Est-il fréquent que des personnes âgées qui aident leur conjoint malade en viennent à tuer?
JÉRÔME PELLISSIER. Ces cas sont relativement rares mais ils provoquent beaucoup d’émotion.
Ils mettent en lumière la grande difficulté dans laquelle se trouvent les aidants, notamment ceux qui s’occupent d’un conjoint victime de la maladie d’Alzheimer.
Statistiquement, l’aidant meurt avant la personne dont il prend soin.
Il se tue à force d’épuisement, physique et psychique.
Dans de rares cas, cela peut aller jusqu’à une crise où l’aidant, à bout, finit par tuer son conjoint.
L’isolement explique-t-il ces passages à l’acte?
Pas forcément. Les personnes qui se tuent ne sont pas les plus isolées.
C’est d’autant plus difficile à comprendre et à surmonter pour leur entourage, qui était présent mais n’a pas pu intervenir.
Souvent, les personnes âgées ont une immense peur de déranger leurs proches : elles préfèrent aller au bout de l’épuisement plutôt que de rajouter des soucis à leurs enfants.
Les personnes âgées sont, avec les adolescents, les plus touchées en France par le suicide. Pourquoi?
C’est le symptôme d’une société qui a du mal à accompagner les transitions avant et après la vie active. Pour beaucoup de gens, être citoyen signifie travailler.
La retraite venue, ils ont un sentiment d’inutilité qui peut favoriser la dépression et la mélancolie.
Les structures d’aide sont-elles suffisantes pour accompagner les aidants et les seniors?
Non, les professionnels sont débordés de manière chronique et constante, même s’il existe une véritable volonté de soutenir les familles au quotidien.
Il existe aujourd’hui des dispositifs qui étaient totalement absents il y a cinquante ans, quand la prise en charge des seniors restait entièrement à la charge des enfants.
Les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins, mais, pour autant, la société n’abandonne pas les personnes âgées.
Stèphane Joumey
Rédacteur soignantenehpad.fr
Le Parisien